Villa des femmes

« Villa des femmes », Edition du Seuil, 2015, est le 5ème livre de l’auteur libanais Charif Majdalani. L’auteur s’est vu descerner le Grand Prix Giono 2015 pour son roman. 

« Villa des femmes » raconte l’histoire de la famille Hayeck et plus particulièrement celle de Skandar, propiétaire d’une usine de textile. Le narrateur, Noula, le chauffeur de la famille, nous parle de la période d’opulence et de prospérité, puis il nous rapporte le déclin suite à la mort de Skandar et des relation tendues entre sa femme Marie et sa soeur Mado, obligées de veiller sur la villa malgré leurs déférences. Ces deux dames sont en fait les deux faces d’une même monnaie, puisqu’elles sont toutes les deux victimes des considérations familiales. A ces deux figures féminines, s’ajoute celle de la fille indépendante et capable de s’affirmer et de faire preuve de responsabilité.
Les descendants mâles de la famille, se déchargent chacun à sa façon de la responsabilité qui leur est déchue. L’aîné accumule les mauvaises décisions et le plus jeune part à la découverte du monde. Le déclin de la famille et les conflits entre les personnages font échos à la guerre qui bat son plein au Liban.
Le narrateur de « Villa des femmes » , « assis en haut du perron de la villa », écoute et découvre. Son poste est idéal puisqu’il est un entre-deux , pas à l’intérieur mais pas à l’extérieur non plus. Dans un roman où la dualité de l’espace entre extérieur et intérieur ( villa) de même qu’entre le haut ( appartements de Mado) et le bas ( les appartements de Marie et sa fille) , le chauffeur qui facilite le va et vient joue un rôle important. L’attitude de Noula se rapproche du voyeurisme et encore plus de « l’ouïrisme ». Il reste jusqu’au bout avec ces femmes, il fantasme sur chacune d’elle sans jamais franchir le pas.
Noula est le chauffeur, donc le passeur qui rend les sorties des dames possibles, mais il est le passeur de toutes les histoires de la famille, et quand il ne peut pas raconter ce qu’il entend et voit , il devient narrateur par procuration et nous rapporte ce que Jamilé lui relate.
Cette Villa des femmes se trouve déjà dans « l’histoire de la grande maison » de Majdalani. Quand tous les hommes de la famille Nassar sont déportés, les femmes se trouvent obligées de garder la maison. Dans les deux romans, nous retrouvons aussi le fils dilapideur qui risque tout et ruine la famille, et ce sont bien sûr les mamans qui font le tour des créanciers ou qui sollicitent l’aide d’anciens amoureux pour tenter de sauver la situation.
Dans Villa des femmes, il y a aussi le fils cadet qui joue un rôle primordial puisque tous les habitants de la maison l’attendent comme on attend Godot, chacun à sa façon. En fin de compte, ce sauveur tellement espéré « arriva par l’allée sur son cheval et entra de nouveau dans (leur) vie, comme l’annonce Majdalani dans l’exergue du roman. Hareth devait effectuer ce long voyage si exotique qui semble à la limite irréel, un voyage initiatique qui va lui permettre, une fois prêt, de revenir revendiquer son bien. L’héritage des Hayeck se mérite.
Si Hareth n’avait pas effectué ce voyage, comment aurait-il pu se mesurer aux miliciens, défier, vaincre, gagner, puis régner en paix?
« Villa des femmes » est un livre qui se lit facilement, qui raconte la guerre tout comme il raconte les zizanies familiales. Mais entre l’Histoire de la grande maison et Villa des femmes, le dernier me laisse un peu sur ma faim en tant que lectrice. Je trouve que les personnages et leurs vécus sont plus approfondis dans le premier. Peut-être que cette impression vient du fait que l’Histoire de la grande maison est basée sur les possibles narratifs.
Quoi qu’il en soit, les deux romans sont à lire.

Rita Khawand Ghanem
Insta: @unpeudetout2016

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